La B.A.L du comte d’Orgel

L’homme est plus fort que les bêtes, ça on le sait depuis la Bible. L’homme fort est plus fort que l’homme faible, ça on le sait depuis que l’homme tape sur la tête de ses voisins avec des gourdins ou d’autres objets contondants. C’est antédiluvien, quasi, cette vilaine habitude. D’aucuns croient du reste qu’elle est inhérente à la nature humaine.
On sait aussi que l’homme a besoin de se divertir, même l’hiver. Et comme il habite dans de grandes maisons chauffées, il n’a aucune espèce de scrupules à aller faire le zouave dans la neige. Après il met ses pantoufles et lape doucement une tasse de chocolat chaud, ou d’ovo tiède, pour les plus pervers.
Celui-là qui aime les jeux de neige peut se réjouir car en vérité je vous le dis, un nouveau guide de randonnées à raquette vient de sortir, c’est marqué dans le Journal. Tiré à 5000 exemplaires, ce guide va lancer sur des sentiers sauvages des dizaines d’imbéciles, qui jouissent de la nature comme on jouit d’un esclave. Et comme le guide indique les buvettes, on verra tous les dipsomanes encore un tantinet sportifs en goguette.

Mais, personnes sinistres, savez-vous que ces débordements touristiques ne sont pas vus d’un bon œil par ceux qui pensent à autre chose qu’à leur bon plaisir, et qui réfléchissent avec ce que le bon Dieu, dans son infinie bonté, a logé entre leurs deux oreilles: le fait que des bipèdes s’esbaudissent dans la neige est-il profitable à toutes ces bestioles pour lesquelles l’hiver est une période de survie, où chaque effort est mesuré ? Eh bien non. La fuite d’un chamois dans la poudreuse peut lui être fatale, quand il a déjà assez à faire pour garder sa chaleur et son énergie. Ah, bien sûr, la publication de ce fameux guide est assortie des recommandations d’usage : « pas de bruit, respect de la faune ». Gna gna. Qu’on m’explique alors à quoi servent ces soirées « Eco-Traces » au cours desquelles on apprend à reconnaître les traces des animaux de nos forêts ? Pour voir des traces de bêtes, il faut aller à l’endroit où elles zonent, non, ou alors il faut faire de l’ichnologie pour être bien certain que les bêtes soient parties depuis très longtemps.

Orgel, nivophobe

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