La balle du comte d’Orgel
Attention, à partir du 29 novembre et durant huit semaines, il est fortement déconseillé de sortir déguisé en cochon sauvage, même pour rire, même pour se rendre au bal masqué, ohé, ohé.
Car la chasse au gruïk est ouverte et, comme le dit le NF lui-même, « (…) le régime actuel (…) (…) peu restrictif (…) préfigure quelques réjouissances toutes gauloises… » Chic alors, une ambiance de saine camaraderie, d’odeur de poudre noire et de détonations, de bouteilles débouchées, de pifs en fraise et de gilets en polaire camouflée comme celui de Savioz. Sans oublier le beau déballage d’armes rutilantes, des à canons en acier bleui, des avec des crosses en noyer, tout cela les pieds dans la boue gelée des petits matins d’automne. Berk. Comme si le tableau n’était pas assez noir, on apprend que les jeunes devront être tirés en priorité. Pourquoi? Car « si vous tirez une laie meneuse, vous risquez un éclatement de la harde. Les jeunes vont se disséminer et risquent d’occasionner davantage de dégâts aux cultures, car leur peu d’expérience les amène vers la nourriture facile. » nous dit Yvon Crettenand, responsable scientifique du Service cantonal de la chasse. Ces jeunes sots sont décidément trop mal élevés, il faut les abattre. Et puis d’abord il aurait fallu dire « … les conduit vers la nourriture facile », car on n’amène que ce qui a une main, à moins qu’il ne s’agisse du lapsus évocateur d’un chasseur à la conscience troublée.
Des dégâts aux cultures. Soit. Mais, dites-moi si je me trompe, les marcassins sont ici-bas chez eux, aussi. La Bible nous dit le contraire, en affirmant que l’homme a un droit absolu sur l’animal, qu’il soit gros ou petit, qu’il nous ressemble à s’y méprendre ou non. Ces assertions sont d’un autre âge, et des papiers comme celui du Nouvelliste ne sont rien d’autre que de grossiers appels à la violence.
Il est grand temps pour ces braves chasseurs au nez incarnat, et pour James Derivaz, « président du groupement des chasseurs de sangliers » (ça fait rêver) de lire « Le Silence des Bêtes » d’Elisabeth de Fontenay, où le problème de la différence intrinsèque entre homme et animal est soulevé. Sommes-nous si différents que cela? Au nom de quel principe peut-on admettre de lancer dans les forêts une bande d’ivrognes aux trousses de marcassins épouvantés? Ah! Un marcassin épouvanté, ça fait rire! Mais c’est qu’une bête, nom di diou! Ah? Qui es-tu pour l’affirmer, chasseur?
Il est à souhaiter que le XXIe siècle soit celui de la vraie découverte animale, de la compréhension de son langage, de ses codes, de sa relation à l’histoire pourquoi pas? Parle-t-on à la veillée, chez les cochons sauvages, des grandes battues du XVIIIe? Les loutres se souviennent-elles avec des frissons d’horreur des grandes exterminations du XIXe?
Tout cela fait un peu brigittebardesque, je le reconnais. Mais de voir, sur le journal, une photo de marcassin avec une cible sur le ventre, ça me fait vomir.
Et sortez de mon champ, suidés.
Orgel
novembre 28th, 2008 à 14 h 07 min
Ne me dites pas que la bête qui précède Savioz dans les bistrots de Sion c’est un cochon sauvage ? J’étais persuadé que c’était un chien ! naïf que je suis…