Le loup m’a tuer !
Inquiétudes dans le Nouvelliste du jour : les hiboux grand-ducs du Valais sont en danger. Mis en poésie par Baudelaire, omniprésent dans le Twin Peaks de David Lynch, le nocturne strigidé est représenté comme un puissant symbole de surnaturel, de sorcellerie, d’obscurité et de tout ce qui peut faire peur dans nos régions. Il y a vingt ans, certains noirs oiseaux (pas ceux chantés par Barbara mais presque) avaient dû abandonner l’idée de construction d’un golf à Grimisuat (il y en a probablement pas assez en Valais) parce qu’une bande de « talibans de l’écologie » avaient fait opposition en prétextant la présence du rapace nocturne. C’était quelques années après « Les maquereaux des cimes » du regretté Chappaz et la sortie de terre du gracieux complexe de Thyon 2000. Quelques promoteurs immobiliers tout droit sortis de la littérature balzacienne (Jean Romain préférant Proust) et tout déçus de ne pas avoir pu planter quelques tours de béton sur les coteaux valaisans s’en allèrent crier à la khazakstanisation du Vieux-Pays. On accusa les écologistes (probablement des citadins souffrant de vertige en montagne) de vouloir transformer le Valais en réserve d’indiens (ou de sioux pour les personnes ayant une connaissance plus étendues dans les diverses nations amérindiennes).
L’usage de tomahawks étant peu ancré dans les mœurs des rédacteurs du Nouvelliste (quoique…), c’est avec sa plume (d’indien) que Jean-Yves Gabbud nous ressort, dans l’éditorial du jour, la vieille rengaine populiste sur la ghétoisation du Valais et sa transformation en , je cite, » une bucolique réserve d’Indiens. » Celui qui s’est déjà baladé à Fully et à peu près partout dans la Bas-Valais où sont concentrés quelques maisons et autres tas de béton, aura plutôt tendance à penser que le sens et le goût pour l’architecture et le développement urbanistique était pas si mal chez nos lointains cousins d’Amérique du Nord…
Derrière cette abjecte et primaire haine du Bon Valaisan (pas l’alcool de chez Morand ), les forces (entre guillemets) de gauche coupables, entre autres, de vouloir défendre le hibou… ah non cette fois, c’est le loup. Le loup coupable d’avaler quelques dizaines de moutons par année alors qu’il y en a tout autant qui crèvent de crises cardiaques après avoir vu un chien ou après avoir déroché suite à une partouze animalière qui a mal tourné.
Les ovins, parlons-en. Il y en aurait 200’000 têtes en Valais… et tout autant qui ne servent presque à rien si ce n’est capter des subventions. En effet le mouton n’a pas l’efficacité des ses cousins bovins dans l’entretien des pâturages et sols alpins. La prairie alpine, richement diversifiée, s’appauvrit après le passage des moutons, l’érosion s’accélère, le piétinement et le pacage empêchent la croissance des arbustes. Délaissées par les ovins, les herbes à longue tige augmentent encore le risque d’avalanches. De plus la laine de l’animal, dont le prix d’achat n’est pas concurrentiel, finit exclusivement dans les fourneaux des déchetteries communales. Sans parler de la viande d’agneau local qui semble totalement exclue des étals de bouchers au profit de la néo-zélandaise. Les moutons kiwis étant probablement moins stressés par les loups et ayant, par là-même, la chair plus fraiche…
Le débat parlementaire fut des plus animé et des plus créatif, certains députés se laissant aller à conter de vieilles légendes urbaines rurales afin de faire pencher la balance. Certains parlant notamment d’importations contrôlées de loup par les écologistes et cela bien avant l’entrée en vigueur du cassis de Dijon. Il y eu même des allusions à une grand mère qui fut entièrement bouffée par un canidé vengeur de n’avoir pas pu voler le goûter d’une petite fille toute vêtue de rouge. Surement une gauchiste imprudente qui se baladait en forêt sans son fusil…
Fernand, j’aimais ton rire charmante Elvire…
octobre 2nd, 2010 à 11 h 29 min
Une défense acharnée de JRF dans le NF du jour. Ca serait pas lui qui a été méchant avec le loup parce que JRF, il participait pas aux réunions et aux décisions du Conseil d’Etat… ^^
octobre 2nd, 2010 à 13 h 13 min
Il parait que les dernières paroles du loup furent « Rosebud »… Faudrait enquêter…
octobre 2nd, 2010 à 19 h 29 min
C’est sympa de me lire… mais lisez juste. Je pale effectivement de bucolique réserve d’Indiens pour dire que la majorité du Parlement fédéral ne veut pas transformer le Valais en réserve d’Indiens. Ce qui signifie, notamment, que le Valais n’en est pas encore une. Pas étonnant donc que vous ne trouviez pas de tente dans le canton… mis à part au sommet de la piste de l’Ours à Veysonnaz.
Jean-Yves Gabbud
octobre 3rd, 2010 à 7 h 40 min
Pas mal, Fernand, mais là tu rates ton permis de chasse. Ce n’est pas le hiboux grand-duc qui était en cause à Grimisuat, mais son cousin, le petit duc. Et pas le droit de faire des jeux de mots avec golf, 18 trous, duc, petits et grands.
Sur le sujet je te conseille l’excellent Couleurs de Sarvient de Gabriel Bender, chez monographic, peut être même qu’il t’en offrirait un exemplaire si tu lui demandes gentiment. Dans cette attente un extrait de la nouvelle intitulée Vers Claire… On y parle de réserve d’indiens :
Arrête-vite, Jean-Charles ! Les écolos s’opposent toujours avec la même obstination. Et le Tribunal fédéral les soutient parce qu’il est noyauté par les écolos. Le Tribunal fédéral, c’est le diable vert ! Une espèce de dictature de citadins qui veut nous faire vivre dans une réserve d’Indiens. Point à la ligne. Moi je dis, à part s’opposer au projet, faire perdre de l’argent aux gens, qu’a obtenu Paix Verte ? Est-ce qu’il a fait quelque chose sur le coteau ? Rien ! Pas une action concrète ! Ce n’est pas une question de nature, c’est une question de pouvoir. Deux ou trois personnes qui veulent imposer leur vision, ils utilisent ce projet-là pour asseoir leur pouvoir : “Voyez, le Tribunal fédéral nous a donné raison ! » Le développement d’une région doit se faire par les gens de la région ! Ça n’a pas l’air de penser comme ça à Paix Verte. Eux, ils disent : « Les gens de la région, vous êtes tous des gangsters qui foutent en l’air la nature ! Et nous sommes les gardiens du temple parce qu’on sait ce qui est bon.» Qu’est-ce que vous en pensez, vous qui avez une tête à aimer le golf ?
PS. Je n’aime pas les anglicisme, je n’écris pas Greenpeace mais PaixVerte, je dis pas word de window chez microsoft mais « mot de fenêtre du petit mou », c’est ma manière d’être réactionnaire et poétique.
Allah prochaine
gabriel ben der
octobre 4th, 2010 à 12 h 49 min
J’ai toujours eu des problèmes avec la hiérarchie. Même chez les hiboux…
ps. C’est gentil pour « Couleurs de Sarvient », mais venant de « par la-haut vers Sarvient », le livre garnit déjà ma bibliothèque…
octobre 4th, 2010 à 19 h 21 min
Juste encore un élément: l’histoire des hiboux n’a pas seulement causé l’inquiétude du Nouvelliste. Le Temps, par exemple, y a aussi consacré un sujet. Mais, merci de nous lire en priorité.
octobre 4th, 2010 à 20 h 38 min
C’est intéressant à plus d’un titre ça, des lignes électriques aériennes qui grillent des zoizeaux… Y’a pas un projet d’érection de gros pylônes qui plane en ce moment sur notre beau Valais? Ceux-là seraient pour les gypaètes, peut-être?
@ l’archange fils du
Poétique, faut pas rêver. Snob et rigolo, serait plus approprié.
octobre 5th, 2010 à 10 h 32 min
Merci JYG. Toujours le Nouvelliste avant le Temps. Il y a pas assez de fines analyses de politiques valaisannes dans le quotidien lémanique….
octobre 5th, 2010 à 12 h 26 min
C’est voulu la flagrante faute d’orthographe dans le titre ?
octobre 5th, 2010 à 13 h 42 min
oui, c’est un hommage à Omar Raddad…
octobre 5th, 2010 à 20 h 22 min
L’article de M. Gabbud était tellement pertinent que le Tribunal cantonal a dû rectifier… C’est une grande première.
« Le Nouvelliste a porté à la connaissance du public que le Conseiller aux Etats Jean-René Fournier sera devant les juges du Tribunal de district de Sion pour l’affaire des loups tirés dans le Chablais le 21 novembre 2006.
L’Office du juge d’instruction cantonal tient à préciser que tel n’est pas le cas. »
Bravo au journaliste d’investigation qui a confondu une audience et un procès ! Jean-René Fournier a donc été entendu, comme le veut la loi. Le procès, ce sera pour plus tard. Sauf si le juge d’instruction en décide autrement.