La voix de son maître

Jean-Marie Fournier l’avait dit: l’entrée d’Hersant comme actionnaire majoritaire dans le groupe Rhône Média ne va rien changer dans l’orientation du journal. Rien. Aujourd’hui on peut enfin en être convaincu, la ligne éditoriale restera la même, conservatrice bourgeoise mal dégrossie.  Profitant des diverses absences de ses collègues, Jean-Yves Gabbud qui fut seul aux commandes du bateau durant le mois de juillet, y veillera fidèlement, conchiant s’il le faut avec allégresse la conscience professionnelle et la déontologie journalistique tant au niveau de la réalité des faits que du rôle essentiel de contre pouvoir de la presse.

La réalité des faits d’abord. C’est de Pascal Guex dont se fout aujourd’hui l’Iznogoud du pauvre. Sur l’article de Monsieur Guex présentant les faits de façon presque objective (si l’on excepte l’introduction), l’estivale et, espérons-le, passagère rédaction a cru bon de coller trois photos aux sous-titres plus évocateurs: « En mars dernier, Bernard Rappaz avait déjà obtenu un « congé-maladie » de quinze jours…. » Ou encore: « Après sa « permission » de mars, Bernard Rappaz, refusant de retourner en prison, attendait la police sur la vigne à Farinet. » Or, la permission dont on parle a eu lieu en mai et l’épisode sur la vigne, qui a bien eu lieu en mars 2010, concernait son entrée en prison. Notons d’ailleurs que la police n’avait pas cru bon de se déplacer ce jour là, le laissant jouer les  guignols tout seul et était allée le cueillir le lendemain matin chez lui, sans presse ni photographes. La rédaction aurait pu s’en rendre compte en lisant, à l’époque, l’excellent article de monsieur Albelda dont est tirée la photo. On peut par ailleurs constater qu’au mois de mars, Madame Waeber-Kalbermatten, sur qui se concentrent actuellement les foudres des partis de droite, était déjà en charge du dossier mais que personne n’a cru bon de le relever en son temps.

Du rôle de la presse comme contre-pouvoir ensuite. Dans sa colonne joliment et finement intitulée « Réactions dans les partis » (non, non, pas de « e » à parti), dans un ordre plus que fantaisiste, les présidents des différentes formations politiques nous livrent leurs brillantes analyses de la situation: à part Dumont qu’est qu’un sale  rouge, tous sont d’accord pour condamner fermement cette remise en liberté d’un dangereux criminel récidiviste qui par là même bafoue la justice et ridiculise nos institutions. Comment, il suffirait de faire plus de cent jours de grève de la faim pour se voir blanchi et impuni? C’est un déni de justice grave dans une démocratie moderne!

On pourrait croire qu’un journaliste stylé en quête de vérité aurait à cœur de dénoncer un amalgame puant et de rappeler dans un édito bien senti que Monsieur Rappaz continue de purger sa peine. Que bien que chez lui, il est toujours en prison, que ses visites et ses sorties sont surveillées et qu’il est hors de question qu’il se la coule douce comme en mai dernier. Il pourrait relever, ce journaliste partial, que des matons à domicile coûtent certainement moins cher que tout un service hospitalier et que, tout en restant emprisonné, Bernard Rappaz a recommencé à s’alimenter.  Et que nous livre J.-Y. Gabbud dans son édito, hein?

Quand Oskar Freysinger dit: « Bernard Rappaz joue au poker » la formule est tellement bonne que Jean-Yves n’hésite pas, il la reprend tel quelle répétant même à l’envie que Bernard Rappaz a gagné. Quand Michel Rothen déclare: « Les Valaisans en ont marre », que nous dit le contre pouvoir? « Cette fois les Valaisans sont offusqués » nous affirme le petit commissaire politique.

Que Jean-Yves Gabbud se targue de savoir ce que pense les valaisans dans leur ensemble pourrait un tout petit peu faire sourire s’il ne montrait pas par là sa crédulité et sa soumission complète aux bottes du parti dirigeant. Le licol c’est joli et ça se porte très bien en été mais il faut que ça reste un brin discret sinon ça fait plouc sans instruction.

Alcazard qui a trouvé très jolie la photo du gypaète barbu d’hier

4 commentaires pour “La voix de son maître”

  1. Jno d'ONo Gravatar dit :

    Comment se peut-il que personne ne remarque l’évidence? Fustiger Mme Kalbermatten pour sa décision courageuse revient à frapper une personne au sol. Lorsque cela se passe à l’aperto, tout le monde, et surtout le Nouvelliste, s’indigne. Lorsque l’on peut frapper une « sale rouge » au sol, tout le monde en profite… Je m’explique: Rappaz, par son chantage, remettait sa vie non pas dans le destin de ses idées, mais dans les mains de notre ministre. Ainsi, il ne devait plus prendre de risques: soit il finissait en martyre, et les évangélistes valaisans de crier au non respect de la vie (il est d’ailleurs amusant de remarquer que les plus prompts à défendre la mort de Rappaz sont les premiers à fustiger l’avortement…), soit il était « libre » (guillemets de rigueur) et ces mêmes évangélistes pouvaient dignement crier au scandale d’une socialiste incapable de mener à bien sa mission. Résultat, je me demande bien si Rappaz ne serait pas de droite, tant il sert leur cause… S’il voulait réellement finir en martyre, qu’il se pende, alors le choix de mourir pour ses fumeuses idées lui aurait tout entier appartenu!

  2. Jean-Yves GabbudNo Gravatar dit :

    Il a fallu qu’on frappe vraiment fort pour que vous sortiez de votre torpeur estivale. J’avais peur de ne plus être lu sous les Arcades.
    Merci pour le soulagement que vous m’apportez.
    Jean-Yves Gabbud

  3. AlcazardNo Gravatar dit :

    Je vous détrompe: un seul bon article, bien écrit, avec un peu de sens, nous aurait fait réagir.
    Il se trouve que ça fait au moins un mois qu’on n’en a pas lu.

  4. BrigitteNo Gravatar dit :

    Monsieur Gabbud suit la ligne du nouveau « comité éditorial »avant même qu’elle ne soit tracée. Avec de tels écrits, on peut supposer qu’il plaira aux inspecteurs de la pensée du quotidien valaisan. Un groupe de notables qui n’a rien d’une bande de vilains gauchistes s’abreuvant à la Grenette. La droite musclée est aux commandes. Messieurs Gabbud et Fournier ont encore de beaux jours devant eux. Pour ce qui est d’un article bien écrit émanant de M. Gabbud, vous pouvez encore rêver. A moins que le comité éditorial ne corrige aussi la syntaxe de ses papiers.