Ni Hersant, ni Ecône
Ces jours est apparu sur Facebook un groupe militant pour le « sauvetage » du Nouvelliste. Il s’intitule « Pour un Nouvelliste indépendant, 100% valaisan et ouvert au monde !« .
Un énoncé qui prête à sourire par son côté paradoxal. Parce que si le Nouvelliste et sa rédaction étaient « indépendants », il n’y aurait aucun différence dans le fait que l’actionnaire soit valaisan, chilien ou iranien. Parce que si son lectorat le réclame « ouvert au monde », c’est déjà vouloir s’attaquer à son indépendance. Parce que croire qu’un journal puisse être indépendant (indépendant de quoi d’abord?) c’est de la naïveté totale.
Ainsi, il semblerait qu’il ait un processus de mise en place d’une plate-forme rédactionnelle commune avec quatre autres quotidiens régionaux qui sont entre les mains d’Hersant. Concrètement ça consisterait à uniformiser le contenu, particulièrement les parties généralistes du journal, soit les rubriques Suisse, monde, ou économie en laissant une marge de manœuvre pour le local. L’annonce, il y a deux mois, par le rédacteur en chef, d’un renforcement de l’info locale dans le Valais central, semble montrer qu’il y a des pressions de la part d’Hersant dans ce sens.
Les raisons de cette uniformisation dont tout le Valais parle? Pas besoin de chercher très loin, elles sont principalement économiques. Un groupe de presse dans une stratégie de concentration horizontale qui cherche à réaliser des économie d’échelles. Pour faire plus simple, on vire les postes à double, c’est bon pour la marge bénéficiaire de l’actionnaire. Et toc!
Mais qu’est ce qui changerait pour le lecteur lambda? Probablement pas grand chose, à première vue. En tout cas dans le contenu à proprement parlé. Les pages « Monde » ou « Suisse » du Nouvelliste sont déjà quasiment exclusivement composées de dépêches d’agences de presse. Que le lectorat se rassure, les sujets locaux traitant des combats de reine, des méfaits du loup, de la St Joseph à St Martin seront probablement toujours relatés comme il se doit. Et, surtout, l’essentiel, les pages mortuaires devraient subsister. Quand on veut faire des sous, on s’inspire plus des courbes comptables de la demande du lectorat que de la pertinence d’une info. J’ai appris cela grâce à Peter Rothenbülher du « Matin ». Merci à lui ! Par contre, le compte rendu du match de foot Xamax-Sion par un journaliste neuchatelois pourra indisposer le fan du FC Sion qui ne cherche pas nécessairement une couverture neutre des faits. Il faut le reconnaitre.
Alors pourquoi l’UDC Valais et la droite réactionnaire s’emparent-ils de l’affaire ? Probablement pas dans un but altruiste de défense des salariés du journal qui risquent de se retrouver sans travail suite à ce processus de concentration. Si c’était le cas ça ferait depuis longtemps que les militants UDC auraient remplis des groupes facebook de soutien aux employés des usines Lonza à Viège. Cette indignation prête d’ailleurs à sourire. Ces même militants de la droite dite économique qui trouvaient il y a peu que le livre était un bien économique ordinaire, que les entreprises suisses devaient être plus compétitives, qu’il fallait rationaliser économiquement et maximiser les profits par des mesures de « rationalisation » et qu’on retrouve aujourd’hui scandalisés par les même mesures préconisées par Hersant. Parce que oui cela est bien le résultat du capitalisme financier actuel mis en place consciemment ou non-consciemment par le patronat. Fini l’entreprise avec un chef indigène qui a encore un peu de responsabilité sociale, voire paternaliste, et une implication dans le lieu où il vit. Les décisions se prennent froidement dans des bureaux à Genève, Zurich, New York ou Neuchâtel…
Non le problème de la droite réactionnaire est bien politique. C’est la défense d’un journal qui n’a jamais été avare dans son contenu rédactionnel sur la défense de prétendues « valeurs valaisannes » qui sont naturellement fantasmées et généralisées à l’esprit d’un canton tout entier. Sur ledit groupe facebook, un utilisateur n’hésite d’ailleurs pas à appeler à « l’attachement inaltérable de ce peuple à ses origines et à son territoire, son tempérament tenace et entier, son caractère indépendant mais bon vivant, son équilibre entre réalisme terrien et prédisposition au sacré et au spirituel… » Prédisposition au sacré… On est pas loin du juif fourbe et mesquin tel que représenté dans le « Juif Süss » de Veit Harlan. Une essentialisation du « bon valaisan » qui relève du cliché et qui ne représente plus vraiment le Valais d’aujourd’hui mais qui a toujours eu un écho favorable dans le NF. On le regrette ou non, surtout quand il s’agit d’un journal monopolistique…
Pourtant loin de moi l’idée de me réjouir d’une « standardisation » idéologique du Nouvelliste en journal de centre-droit à la mode « hersantienne » comme il est craint par les militants droitistes de l’UDC. La presse suisse ne fait que suivre avec un peu de retard ce que j’aime appeler une « australisation » de la presse en référence au pouvoir d’un Ruppert Murdoch dans un pays qui a la chance de partager avec nous l’usage du cénovis et une concentration des médias entre les mains d’un petit nombre de groupes de presse. Parce que si ça n’était pas Hersant, ça aurait été Ringier, Tamedia ou Edipresse. C’est l’effet d’une mondialisation financière incontrôlée qui, au lieu d’amener une saine concurrence favorisant l’éclatement idéologique et le débat, ne fait que favoriser le regroupement et restreint le champ de la diversité de la pensée. Marx parlait de « concentration du capital » et c’est bien ce qui semble ce produire dans le monde du journalisme. Et c’est bien triste.
Fernand, obligé de lire « le Matin » aujourd’hui…
avril 5th, 2010 à 20 h 28 min
Un si long article de ta part pour le statu quo du Nouvelliste, ça fait bizarre à lire
avril 6th, 2010 à 7 h 22 min
Et après on va faire comment avec le blog quand le Nouvelliste aura changé ? On sera confiné au blog de l’UDC Valais… Ca va pas être facile…
avril 6th, 2010 à 10 h 28 min
Ce qui pourrait être inquiétant c’est une uniformisation de la partie culturelle. Ok, à l’heure actuelle, ça n’est ni les cahiers du cinéma, ni les inrocks, ni Technikart ni le Figaro littéraire mais on y trouve quand même un large compte-rendu de l’actualité culturelle valaisanne. Est-ce que l’accès au journal pour les milieux culturels sera modifié ?
Après, je ne me fais pas de soucis, il y aura toujours de bons commissaires politiques au Nouvelliste….
avril 7th, 2010 à 8 h 11 min
« Parce que oui cela est bien le résultat du capitalisme financier actuel mis en place consciemment ou non-consciemment par le patronat. »
Je penche plutôt pour le « consciemment »… 🙂
avril 8th, 2010 à 21 h 47 min
Abonnez-vous 3 mois à l’essai à l’impar ou à L’express et on en reparle
avril 9th, 2010 à 6 h 27 min
Vu le regard très « bienveillant » de Fournier, Gabbud, Pellegrini (mais oui, le petit!) et autres Berreau, porté sur l’idélologie UDC et sur ceux qui la représentent, pas étonnant qu’ils se mobilisent pour que rien ne change. Même si les auteurs essaient de faire croire que le NF reste très PDC, il y a longtemps qu’on n’y croit plus. Et ce n’est pas la récente tentative de draguer Darbellay descendu en flèche il y a un an – avec même un (publi)reportage sur Gilliard qui rappelle ceux auxquels Giroud a eu droit – qui trompera le bon peuple.
avril 12th, 2010 à 12 h 20 min
Maurice Valère, Pierre Pascal Chanel, Frank Singleton… les journalistes valaisans rois du pseudo…