In memoriam
Ils ont démonté les volets
En éclats des vitres se brisent
J’en ai vu un qui rigolait
En s’acharnant sur la marquise
Comme vissé à la vigie
J’ai mal au cœur et à ma ville
Je pleure aux murs qui s’agenouillent
Aux toits penchés qu’on ne veut plus
Et mes pleurs sont larmes de rouille
Baptême Acier des coins de rues
Je te salue Extrême-onction
Bâclée au cri des pelleteuses
Tu baisses brusquement le front
Révérence irrespectueuse
Ceux qui t’ont vu naître sont morts
C’est peut-être pour ça qu’ils n’ont
Pas le moindre petit remords
A t’abattre ô toi ma maison
A la douce mémoire de la maison de Preux, construite en 1895 par Joseph de Kalbermatten au numéro 29 de la rue de Lausanne, à Sion, sacrifiée sur l’autel du profit en 1985.
C’est un peu une monomanie, chez moi, les maisons qu’on bousille. Je ne sais pas vous, mais moi ça me bouleverse. J’en parlerai à mon psy.
Orgel
novembre 20th, 2008 à 12 h 34 min
Rendons à César ce qui n’appartient à personne : le poème cité en exergue a été placardé le 21 décembre 2000 sur les palissades du chantier de démolition de la maison située à l’angle de la Place Centrale à Martigny. Relevé par mes soins in extremis, il a été arraché le 22 à l’aube par des employés communaux. L’adjectif possessif du dernier vers est troublant : si c’était sa maison, pourquoi l’a t-il vendue aux promoteurs ? Je pense plutôt qu’il faille voir là une appropriation philosophique du Beau, qui appartient à tout le monde. La (re)lecture s’impose du pamphlet de Victor Hugo (quel type, tout de même) : « Guerre aux démolisseurs ! », paru en 1832 et toujours d’actualité.
Victor Hugo est une autre de mes monomanies.
novembre 20th, 2008 à 14 h 13 min
C’est un combat légitime que vous menez là. Bien qu’un peu dépassé. Le regretté Nino Ferrer, en chanteur engagé qu’il était (cf des brûlots tels que « Les cornichons », « Le téléphone ») avait dans une magnifique chanson dépeint cette nostalgie immobilière.
La maison près de la fontaine
Couverte de vigne vierge et de toiles d’araignée
Sentait la confiture
Et le désordre et l’obscurité
L’automne, l’enfance, l’éternité
Autour il y avait le silence
Les guêpes et les nids des oiseaux
On allait à la pêche aux écrivisses avec monsieur le curé
On se baignait tout nus, tout noirs
Avec les petites filles et les canards.
La maison près des H.L.M.
A fait place à l’usine et au supermarché
Les arbres ont disparu
Mais ça sent l’hydrogène sulfuré
L’essence, la guerre, la société
Ce n’est pas si mal
Et c’est normal
C’est le progrès.
novembre 20th, 2008 à 14 h 55 min
Merci, M. Gauchat, pour ce rappel ninoferresque.
Le combat est dépassé pour ceux qui ne voient dans les maisons anciennes qu’une juxtaposition plus ou moins réussie d’éléments architecturaux.
Il reste furieusement d’actualité pour tous ceux qui y voient autre chose.
Ce n’est qu’une histoire de gestion de la mémoire collective.