Tuons suisse, tuons « propre en ordre »
Le 29 novembre prochain, une initiative faisant un peu moins de bruit qu’une autre sera votée par les citoyens suisses, il s’agit bien sûr de l’initiative « pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre ».
En lançant cette initiative, le GSsA avait l’espoir d’exposer au grand jour la face bien sombre de notre économie et d’ouvrir enfin le débat sur la question de la morale et du business. Or le débat n’a pas eu lieu – et n’aura vraisemblablement pas lieu. En tout cas pas en Valais. Morceaux choisis :
– Il y a deux semaines, la RSR publie les résultats plutôt surprenants d’un sondage sur les prochaines votations : l’initiative sur le matériel de guerre obtiendrait 41 % des votes, contre 43 % de « non ». Le Nouvelliste publie le lendemain les résultats de l’initiative sur les minarets, mais pas ceux de l’initiative sur le matériel de guerre. Une humble militante du GSsA écrit une lettre de lecteur au Nouvelliste en déplorant tout le mal que les journalistes se donnent à ne pas parler de l’initiative sur le matériel de guerre. Résultat (à consulter sur le site du précité journal) : une lettre de lecteur tronquée de tout reproche envers les journalistes. Avec des jolis signes comme ça (…), et puis un titre mièvre modifié par la rédaction : « solidarité et éthique ».
– La semaine dernière, c’est Canal 9 qui se distingue dans la catégorie « question à cent sous ». Après moult stratagèmes, le comité valaisan de soutien à l’initiative obtient enfin une interview. 3 questions, 1 minutes d’interview et la question fatidique de la journaliste de Canal 9 : « pourquoi pensez-vous que les médias parlent plus des minarets que des exportations d’armes ? ».Ah ah ah, quels rigolos ces journalistes. Enfin toutefois l’affaire devient beaucoup moins drôle quand la journaliste en aparté demande : « mais si on les exporte plus, on va en faire quoi de toutes ces armes ? ».
Et puis, hormis le peu d’écho dans les médias, il y a les réactions de ceux qui y tiennent, au commerce de la guerre et de la mort. Comme ce passant, fanatique de l’armée, des zavions qui font du bruit et des armes suisses « qui au moins tuent propre en ordre ».
Ah ça, on va pas le contredire, les armes suisses tuent. Entre 2003 et 2005, 80% des exportations de matériel de guerre suisse allaient vers des pays impliqués en Irak ou en Afghanistan. La Suisse est un des premiers producteurs mondiaux de munitions de petit calibre, ce « carburant des guerres » qui fait selon Amnesty International plus de 1000 victimes par jour.
Enfin, l’argument choc, c’est quand même: « tout le monde exporte des armes, alors autant que ce soit notre économie qui en profite ». Oui, les armuriers suisses peuvent être fiers de profiter des ventes au Botswana, où l’espérance de vie atteint 32 ans. Ils peuvent se vanter de faire affaire avec des pays qui ont, d’après notre gouvernement, « les mêmes valeurs que nous ». Le conseil fédéral fait-il là allusion au Pakistan (principal importateur l’année passée), à l’Arabie Saoudite ou alors aux USA et autres pays Européens en guerre contre l’Axe du Mal ? Alors pour conclure, on pourrait rallonger la maxime tirée du titre d’un livre sur la guerre en Yougoslavie : « Que nos valeurs sont universelles et que la guerre est jolie », on pourrait même y rajouter : « Que nos armes tuent propre et quels sousous elles rapportent ! ».
Anne-Christine Willa, GSsA à elle toute seule