C’est quoi ces vieux machins?

Dans son projet de refonte des musées cantonaux, l’Etat prévoit la fermeture de l’actuel musée d’archéologie. Les collections seront intégrées au musée d’histoire de Valère, et réduites à leur plus simple expression.

Les musées valaisans sont gérés comme des entreprises. Pas assez d’entrées = fermeture ou coupe franche dans les collections. Le tourisme intellectuel est un peu moins invasif que le tourisme sportif; aussi les retombées économiques d’une politique culturelle de qualité ne sont-elles pas immédiatement quantifiables – donc, on sabre.

C’est un très mauvais calcul. Pourquoi le valaisan, si fier d’habitude de son pays, n’est-il pas aussi fier de son passé glorieux? Est-ce parce qu’il rejette en bloc tout ce qui appartient à hier, en mettant dans un même sac la misère paysanne du XIXe siècle et les témoins les plus remarquables de la préhistoire locale? Est-ce qu’il fait sien le principe « du passé faisons table rase », pourtant assez éloigné de ses amours politiques?

Il est vrai qu’on skie plus difficilement sur une stèle gravée que sur la piste de l’Ours. Mais il faut quand même le dire: Sion est mondialement connue, et pas grâce à son fendant. Sion est mondialement connue pour ses vestiges archéologiques, d’une ampleur inégalée. Mais connue des spécialistes. Les gamins n’apprennent même pas ça à l’école (ils apprennent la vertu du jeûne, plutôt).

Les stèles du Petit-Chasseur – dont il ne restera qu’un exemplaire exposé dans la nouvelle muséographie – sont un exemple unique de l’art préhistorique, de la représentation du pouvoir à la période néolithique et de l’appréhension du trépas dans ces sociétés. Nous sommes en 2500 avant J.-C.

Plus près de nous, la basilique funéraire de Sous-le-Scex, désormais cachée derrière un bloc immonde de la place du même nom, sert aujourd’hui de pissotière à chats. Il s’agit pourtant d’un exemple unique d’architecture paléochrétienne, parfaitement conservé. A Lyon, les archéologues n’ont retrouvé que le baptistère de leur basilique; la découverte a été jugée suffisamment exceptionnelle pour présider à la création d’un parc archéologique. Ici, tout est en place. Et on a tout enseveli sous le sable. Et on pisse dessus. C’est agaçant.

Que dire encore? A Sion a été retrouvée la stèle funéraire d’un préfet militaire romain, en uniforme: un cas unique. Pas exposée.

A Sion, dans la cour de Don-Bosco: la nécropole tumulaire de l’âge du Fer la plus prestigieuse de Suisse. Fouillée à l’arrache, dans des délais obscènes, pour cause d’impéritie des autorités.

Mais ça ne rapporte pas de pognon, tous ces vieux machins, Monsieur. Les plus beaux fleurons de l’architecture locale sont bien tombés sous la pioche des promoteurs, alors qu’est-ce qu’on va se faire chier avec des trucs enfouis sous la terre, hein?

Orgel, descendant d’homme préhistorique

3 commentaires pour “C’est quoi ces vieux machins?”

  1. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Alors là, bravo! Vous m’enlevez les mots de la bouche!

  2. FernandNo Gravatar dit :

    De toute façon, ça n’attirerait que quelques archéologues gauchistes et pauvres qui ne dépenseraient leur maigre salaire qu’en ticket restaurant de la Migros.
    Et ce sont des traces de civilisations non chrétiennes, Monsieur ! Ça prouverait que le Valais n’a pas toujours été chrétien et ça réduirait à néant la fameuse expression « Le Valais est une terre chrétienne » si souvent employée dans certains milieux…

    Bravo pour l’article !

  3. OrgelNo Gravatar dit :

    Merci. L’abbé Régis de Cacqueray se demandait justement ce qu’allaient devenir les sociétés si elles n’étaient plus gouvernées par Jésus-Christ. On voit ce qu’il est advenu des sociétés qui préexistaient : bêtes à graver des cailloux.