Café, sandwich, malvoisie

Le métier de journaliste peut être quelquefois  ingrat. Rêver d’avoir un destin à la  Bob Woodward ou à la Hubert Beuve-Méry et être cantonné  à la case « publireportage » du média qui vous paie, c’est juste terrible. Le publireportrage, vous savez, c’est  cette  gratifiante niche de l’information qui consiste à placer un produit commercial dans un article de journal.

L’engouement pour le job reste fort modéré dans le milieu journalistique. Il existe quelques histoires tragiques de rédacteurs de publireportages n’ayant pas supporté leur condition d’existence et ayant supplié leur patron de les intégrer à la rubrique « chats écrasés » d’une vallée latérale perdue.

Généralement, par déontologie journalistique, il est de coutume de signaler au lecteur qu’il s’agit d’un publireportage.  On ne sait jamais, il est toujours possible que des crétins de lecteurs ne remarquent pas que le reportage sur les 50 ans de fidélité de M. Zufferey (*nom fictif) à l’entreprise Alpina SA (*nom fictif) est peu utile à la compréhension et à l’appréhension du monde qui nous entoure, ce qui est quand même généralement l’un des buts plus ou moins avoué des gens de presse.

Mais quelquefois, c’est encore plus pernicieux. Le publireportage n’est pas signalé comme tel.  Il peut même servir de « une » à l’édition du jour sans que la véritable nature de l’article soit mentionnée.  C’est ce qui se passe dans le Nouvelliste d’aujourd’hui.  Les accords fiscaux entre Berne et Berlin ? On s’en tape le coquillage ! Les troubles en Iran ? Rien à foutre !  Le nouveau recul du commerce suisse ? Le lectorat n’est pas intéressé!  Par contre tout le Valais et le reste du  monde saura désormais que Dominique Giroud a acheté des vaches d’Hérens et qu’il va les faire paitre avec les vaches de Jean-Marie Fournier, le Citizen Kane de Veysonnaz. Et surtout, il est rappelé à 6  reprises  (dont une fois dans le titre) que Dominique Giroud est l’heureux propriétaire d’une cave et qu’il marchande du vin.

Je répète donc  pour ceux qui n’auraient pas compris : ce samedi aura lieu à VEYSONNAZ ( plus belle station des Alpes grâce à la qualité du marché immobilier local) un combat de reine (venez nombreux, ça justifiera encore un article sur les vaches dans le NF) « sponsorisé » par GIROUD VINS ( l’excellente syrah est à 18,30 dans toutes les grandes surfaces. Le pinot vieilles vignes à 15.70 et la cave loue des salles de réunions climatisées. Tarifs à discuter selon appartenance religieuse). Viendez donc boire un coup à Combyre! Viendez !

Fernand, pas fan de gros rouge industriel qui tâche

5 commentaires pour “Café, sandwich, malvoisie”

  1. Jean-Yves GabbudNo Gravatar dit :

    Bravo pour cet article, bien écrit!
    Pour les rares lecteurs qui n’auraient pas compris que ce texte était exclusivement humoristique et sans fondement réel, je précise quelques éléments.
    Si la définition du publireportage était si simpliste, tous les articles économiques, qui citent des marques, seraient des publireportages (L’Agefi serait alors un condensé de publireportages); tous les articles sur la F1 seraient des publireportages (« Doublé Red Bull », « Ferrari l’emporte ») tout comme les articles sur le cyclisme (« Victoire de l’équipe Astana »).
    Au fait, Boris ne m’en voudra pas de le dévoiler, le blog de la Grenette n’est, lui aussi, qu’un publireportage géant dont le but ultime est de démontrer que la lecture quotidienne du Nouvelliste est indispensable, même aux gens de gauche.
    Merci encore de cette lecture assidue.
    Jean-Yves Gabbud

  2. FernandNo Gravatar dit :

    Je vous rejoins sur la difficulté de définir le terme « publireportage ». C’est très subjectif. Mais pour moi, la ligne de démarcation est l’utilité et la qualité de l’information (ça reste subjectif aussi). En F1, les journalistes sont obligés d’employer des noms de sponsors pour qualifier les équipes. Dans cet article, vous n’étiez pas obligé de répéter à plusieurs reprises le nom de la cave de sieur Giroud, ni, dans un paragraphe, affirmer que la cave Giroud s’occupera de l’intendance de cette inalpe. En quoi, est-ce une information pour les lecteurs de savoir que les spectateurs présents à la manifestation auront la « chance » de boire du vin de chez Giroud ?

    Ensuite on peut aussi se demander si le fait que Dominique Giroud achète quelques vaches mérite la Une du journal ? Parce que c’était le sujet principal de l’article et non, ce qui est quand même plus interessant pour le lecteur, l’annonce d’une transhumance importante.

    C’est, je le répète, plutôt subjectif et le sujet est vaste et compliqué mais je trouve que cet article était, pour une fois, partiellement inutile et faisait la plus la promotion d’un encaveur que le décryptage d’un fait social important et interessant.

    Enfin moi je dis ça et je dis rien. Je ne suis ni rédacteur en chef, ni actionnaire du journal. C’est juste l’avis d’un lecteur qui tente d’être plus ou moins critique.

    Merci de nous lire.

  3. vrai paysanNo Gravatar dit :

    Alors là je reste sans voix et j’applaudis. Enfin qqn qui ose critiquer ouvertement qqch d’aberrant.

    Monsieur Gabbud dit que ce n’est pas un publireportage sur MONSIEUR Giroud Vins. Mais si il avait effectivement fait un reportage sur la race d’Hérens ou la montagne de la Combyre il aurait peut être mentionné :
    Le nom de la bête ou du propriétaire de la plus avancée l’année passée, le nom de la bête qui rentre cette année reine….

    Pour information :
    A l’alpage de la Combyre il n’y a pas QUE Jean-Marie Fournier et Dominique Giroud n’en déplaise à certain.

    A l’alpage de Tracuit il n’y a pas QUE Monsieur Balet et ses deux vaches… Les lecteurs aurait peut être aussi été intéressé de connaitre le numéro de la 116 dont parle M. Gabbud ? Ou quelques noms d’autre prétendantes au titre !

    Alors je dis ce que beaucoup pense tout bas :
    Le monde de la race d’Hérens de nos jours, est un monde ou le fric et la gloriole sont entrés et c’est tout perdu.
    Alors cher journaliste arrêté de parler de nos cher Hérens pour vendre du papier et faire de la publicité pour trois ou quatre gros manitous, qui pour beaucoup ne porte pas les pieds à l’écurie (oups si une fois pas semaine !), et qui ne connaissent nullement le monde paysan et surtout le travail de la paysannerie !

  4. Jean-Yves GabbudNo Gravatar dit :

    Ce que dit « vrai paysan », même si je lui laisse son analyse, montre bien que le fait qu’un encaveur important se lance dans le monde des reines, après un pharmacien (Alain Balet) et un propriétaire de remontées mécaniques (Jean-Marie Fournier), voire un commandant de la patrouille des glaciers (Marius Robyr), est un vrai phénomène de société qui mérite un éclairage. Mais Fernand a raison, c’est subjectif et j’apprécie votre regard critique et assidu sur mon travail.
    Jean-Yves Gabbud

    PS. J’ai mis d’autres informations plus directement sur les reines sur mon blog « reines » sur le site http://www.lenouvelliste.ch

  5. FernandNo Gravatar dit :

    Pour les amateurs du monde des reines :

    http://journaldesreines.blog.lenouvelliste.ch/
    http://www.racedherens.ch/

    Pour les photos :
    http://www.flickr.com/search/?q=h%C3%A9rens+vaches
    http://www.flickr.com/search/?w=all&q=combat+de+reines&m=text